Au début des années 2000, chez les Cheyrou, quand on voulait distinguer Benoît de son frère Bruno, on disait “le jeune”. Ça n’a pas duré bien longtemps. Maintenant, et depuis quelques saisons déjà, on l’appelle “le bon”. Ou plutôt “le meilleur”. Non pas que Bruno soit une arnaque, même s’il n’a jamais confirmé son niveau atteint entre 2000 et 2002, lorsqu’il portait à lui seul le LOSC de coach Vahid ; mais son cadet, lui, est un vrai crack. Et réclamer la sélection de ce dernier aujourd’hui n’a rien à voir avec l’actuelle mode du fameux “numéro 8 qui manque tant à l’Équipe de France”, ce complément idéal aux récupérateurs pure souche que sont Toulalan et les deux Diarra. Non, l’ancien Auxerrois devrait être international depuis trois ans facile et sa dernière saison en Bourgogne.
D’ailleurs, on n’exige pas de Domenech de faire du Phocéen un titulaire inamovible de l’entrejeu des Bleus, surtout après la prestation qu’ont livrée Toulalan et Lassana Diarra en Serbie. Juste d’en faire un membre du groupe France, au même titre que Squilacci, Benzema, ou Escudé. Car, objectivement, l’ancien Lillois possède quelques faire-valoir. Argument numéro un, il n’existe pas en France de joueurs de ce profil, ou tout du moins avec tel degré de propreté dans le jeu. C’est-à-dire des vrais milieux récupérateurs-relayeurs axiaux, sortes d’hommes à tout faire à la Steven Gerrard -toutes proportions gardées, bien sûr-, sobres et efficaces. Deux ans de suite qu’aux trophées UNFP, le gaillard figure dans l’équipe type de Ligue 1, plébiscité par ses pairs. Pas un vote d’internautes à deux balles, donc. Le genre de joueur avec qui le terme volume de jeu prend enfin tout son sens. Deuxième avantage plaidant en sa faveur, il est gaucher. Une espèce tout simplement en voie de disparition chez les bleus (seulement trois sur onze au coup d’envoi mercredi soir, dont Lloris). A l’heure où tous les coachs du monde nous bassinent à coups de “le plus important, c’est l’équilibre”, il ne serait pas bête pour Domenech de compter une patte gauche de plus dans son midfield.
Lille, Auxerre puis Marseille, en attendant mieux, la progression de Benoît Cheyrou est linéaire, cohérente et régulière. Il devrait, en toute logique, intégrer l’effectif d’un vrai gros club avant la trentaine, et s’y imposer. Pour ce qui est des Bleus, en revanche... D’ailleurs, sa trajectoire rappelle celle d’un autre milieu relayeur de classe mondiale, qui, au milieu des années 90, fut honteusement snobé par l’Équipe de France, malgré des prestations qui l’amenèrent du Stade Malherbe de Caen à l’Inter Milan, en passant par la plus belle équipe nantaise de l’histoire et par le grand PSG. Un indice, il avait le même prénom.